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Sciences du vivant : la Wallonie se diversifie et axe sur la médecine personnalisée

L’usine GSK Belgique à Wavre / © DR

Le secteur des sciences du vivant, en Wallonie et à Bruxelles, est envié aujourd’hui dans le monde entier. En Belgique, les forces vives du secteur ont décidé de s’associer pour le rendre encore plus solide, puisque BioWin et MEDVIA ont signé la première collaboration stratégique entre pôles d’innovation en santé wallon et flamand. 


 

« Nous pouvons tirer parti de nos forces pour renforcer la position de la Belgique en tant que pôle majeur des sciences de la vie en Europe et avoir un meilleur impact à l’international afin de mettre les meilleurs traitements innovants à la portée du plus grand nombre de patients possible », a souligné Sylvie Ponchaut, Directrice générale de BioWin, lors de cette signature. L’accord porte sur plusieurs domaines d’expertise clés : Advanced Therapy Medicinal Products (ATMPs)/bioproduction, Medtech/healthtech, Recherche et innovation...

Les clusters BioWin et MEDVIA ont commencé à collaborer dès 2023, en coorganisant plusieurs conférences d’envergure dont « Science for Health », soutenue par le consortium HST Group (Health, Science and Technology Group, qui réunit Pfizer, UCB, GSK et Janssen), et le premier « HealthTech Investor Summit » qui s’est tenu à Bruges, où 75 entrepreneurs ont pu rencontrer plus de 60 investisseurs.
 

UNE PROXIMITÉ INTERNATIONALE
Récemment, Gembloux est devenue la plaque tournante de la distribution des vaccins de GSK dans le monde, puisque l’entreprise a inauguré un nouveau centre de stockage de vaccins et de produits pharmaceutiques. Emmanuel Amory, Administrateur délégué de GSK Belgique, avait rappelé à cette occasion « vouloir continuer à travailler ensemble chaque jour pour renforcer notre compétitivité ». Il avait épinglé un chiffre significatif : « Environ 40 % des enfants dans le monde reçoivent chaque année un vaccin GSK ». La Wallonie excelle dans la production de vaccins et la recherche s’y concentre sur les adjuvants, l’immunologie et l’ARN messager, avec une production active ciblant diverses maladies. 

  
GSK Belgique, spécialiste dans la production de vaccins / © DR

 

RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT
Aujourd’hui, l’une des sociétés les plus connues est sans conteste iTeos Therapeutics. Récemment, l’entreprise a publié les données cliniques très encourageantes sur son traitement contre le cancer du poumon. Une autre société, dans cette thématique, poursuit son développement : OncoDNA. Parmi ces dernières avancées, le processus d’analyse du kit OncoDEEP® fournit des informations cliniques, en aidant les laboratoires à réaliser des profils génomiques complets de tumeurs solides à l’aide de séquenceurs MGI (société de création d’outils et de technologies de base qui stimulent l’innovation dans les sciences de la vie), qui utilisent la technologie de pointe DNBSEQ™. « Le partenariat avec MGI marque une étape importante dans notre mission de rendre l’oncologie de précision accessible à tous », souligne Jean-Pol Detiffe, fondateur d’OncoDNA. 

L’AVENIR : LA MÉDECINE PERSONNALISÉE
La recherche reste une priorité, comme le montre le travail de François Fuks, professeur à la Faculté de Médecine de l’Université Libre de Bruxelles (ULB). « Le laboratoire que je dirige se concentre sur l’épigénétique dans le contexte du cancer. Nos récentes découvertes ont permis de lever le voile sur de nouveaux mécanismes d’apparition des leucémies. Nous avons ainsi identifié un nouveau mode de régulation insoupçonné de l’expression des gènes par le biais de l’épigénétique. Cette recherche ouvre des perspectives innovantes pour le diagnostic et le traitement des leucémies ».

D’autres projets sont en cours, comme le projet NucleoGlio, qui est le fruit d’un consortium entre la société coordinatrice Belgian Volition SRL, en collaboration avec une autre société, QUALIblood SA et les instituts UNamur-NARILIS et UCLouvain IREC. Leur projet a pour but d’explorer la biopsie liquide pour détecter les glioblastomes via les nucléosomes circulants et leurs modifications épigénétiques, améliorant le diagnostic et le traitement. Les glioblastomes sont des formes très agressives de cancer du cerveau représentant un défi clinique majeur, en particulier lorsqu’il s’agit de rechutes post-chirurgie d’exérèse.


© DR

Autre exemple, le projet Gloria (Global Rapid and Innovative DNA Analysis), qui est le fruit d’un consortium entre la société coordinatrice Eonix, en partenariat avec deux autres sociétés, Comunicare Solutions et Kedroz, et les universités UCLouvain et UMons. Ce projet vise à développer une plateforme sécurisée pour permettre aux citoyens de stocker leur ADN numérique, ouvrant ainsi la voie à des analyses avancées pour des maladies communes complexes et certaines maladies rares. La volonté est de développer des solutions centrées sur le patient au bénéfice de la médecine personnalisée.

L’intelligence artificielle est aussi au cœur des innovations wallonnes dans les sciences de la vie. Les exemples sont nombreux, parmi lesquels le projet SPUTUMAI, qui a l’ambition de développer un outil d’IA permettant d’analyser des lames microscopiques des expectorations de patients souffrant d’asthme sévère, et d’enregistrer les données relatives au profil de cette inflammation dans un dossier patient informatisé, adapté à la réalité de cette pathologie. Cytomine, ZORGI, l’ULiège et l’ULB, réunis en consortium, souhaitent permettre aux cliniciens de gagner du temps et de la précision lors du diagnostic, du suivi de la pathologie, mais également de prescrire un traitement personnalisé du patient asthmatique en routine clinique.
 


BioWin, le cluster wallon de la santé, et MEDVIA, son homologue flamand, ont signé la première collaboration stratégique entre pôles d’innovation wallon et flamand pour renforcer le secteur des sciences du vivant en Belgique / © Getty Images pour Unsplash

LA FORMATION ET DE L’ESPACE POUR PENSER À L’INVESTISSEMENT
Toutefois, ces réussites ne peuvent cacher un problème : le manque de main-d’œuvre qualifiée. Pour résoudre ce défi, les autorités et le monde industriel multiplient les projets. Le Forem, le Centre de compétence à Seneffe, la Funoc et l’Institut d’enseignement technique supérieur de Promotion sociale à Charleroi ont lancé le projet « Jump to pharma », qui permet à des chercheurs d’emploi de longue durée ou sans diplôme du secondaire supérieur d’intégrer le secteur biopharma. Des entreprises interviennent également dans le processus : GSK, Takeda et UCB, afin de proposer des visites de leurs installations aux stagiaires. 

Outre la formation, les entreprises et les autorités veulent pouvoir accueillir de nouvelles entreprises. Après la construction du LégiaPark au CHC à Liège, le fonds d’investissement Noshaq entend construire un Giga Park au CHU de Liège. Des initiatives ont aussi lieu à Namur, Marche et Charleroi avec le BioPark et surtout l’UE Biotech Campus. Une richesse d’après Dominique Demonté, CEO du Biopark : « Nous recevons énormément de délégations étrangères qui viennent s’inspirer de notre modèle et de plus en plus de marques d’intérêt d’entreprises étrangères qui souhaitent venir s’installer au cœur de notre écosystème ».

 

LE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL
Ce dynamisme n’étonne pas Hugues Bultot, CEO d’Univercells, qui reste attaché à son ancrage en Wallonie tout en poursuivant un développement international important, avec notamment des partenariats avec le Serum Institute of India, Afrigen ou l’Institut Pasteur. « Exothera, une CDMO, filiale d’Univercells, a déjà produit pour plus de 30 projets européens ou américains, précise-t-il. En effet, en tant que CDMO certifiée GMP, Exothera, située à Jumet, offre de multiples plateformes de production pour répondre aux besoins de ses clients. L’optimisation des processus de production, pour les vecteurs viraux dans le cadre de la thérapie génique ou les vaccins viraux, est essentielle pour assurer la qualité du produit, la reproductibilité d’un lot à l’autre et la réduction des coûts de production. Exothera dispose d’un procédé standardisé, robuste et reproductible, pour fabriquer l’ARNm. Nous avons développé une offre spécifique pour le traitement personnalisé du cancer avec des stratégies ARN messager. Cette approche a pour objectif de réduire les coûts de production afin de permettre au plus grand nombre de la population, où qu’elle se trouve, d’en bénéficier. Cela rend donc possible des productions à proximité des hôpitaux, par exemple pour livraison directe aux patients ».


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Dans cette optique, dirigée par José Castillo, Quantoom Biosciences, la filiale d’Univercells spécialisée dans le développement de technologies de production liées à l’ARNm, a participé à la mission économique conduite par la princesse Astrid au Brésil (fin novembre 2024). La plateforme de Quantoom Biosciences, appelée Ntensify®, permet de produire des lots d’ARNm à moindre coût et plus efficacement à grande échelle. « Depuis trois ans, nous travaillons sur l’ARN messager. Avec ce dernier, en plus des vaccins, on voit des développements pour contrer les maladies rares, les cancers, et les maladies auto-immunes entre autres », ajoute Hugues Bultot. « Faire évoluer constamment sa société pour rester à la pointe », Paul Maes, CEO d’Aquilon, répond en permanence à ce type de défi. L’entreprise liégeoise, qui a notamment travaillé sur le développement d’un nouveau dispositif plus efficace pour le traitement de l’asthme et autres affections pulmonaires, poursuit ses travaux de recherche. « Actuellement, poursuit-il, nous avons fait évoluer notre business model en fonction des clients : nous faisons du B to B. La technologie en Wallonie reste à la pointe, mais il faut trouver les bons vecteurs pour l’utiliser ». Alors que la recherche se poursuit sur ses produits, Aquilon a reçu quatre ou cinq propositions de contrats en cours, dont deux contrats en voie de finalisation. Les débouchés sont variés et nombreux dans cette région riche de ses chercheurs, de ses entrepreneurs, de ses travailleurs qualifiés et de son savoir...

 

— Reprise de l'article de Vincent Liévin, parut dans la Revue Hivernale W+B #166

 

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